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A.J. Hinch et ses Tigers de Détroit ont attiré l’attention de toutes les organisations de la MLB avec une fructueuse nouvelle approche dans la composition et l’utilisation de leur personnel de lanceurs.
Les années 80 ont introduit le « small ball », la vitesse et l’apparition du lanceur spécialisé. Dans les années 90, c'était la puissance au bâton, largement influencé par l'infâme ère des stéroïdes. Les années 2000 ont vu l'essor du recrutement basé sur les analyses statistiques, grâce au best-seller extrêmement influent de Michael Lewis, Moneyball.
Tous les changements que nous avons observés dans ce merveilleux sport qu’est le baseball au cours des quinze dernières années sont le résultat direct des analyses avancées et des réponses qu'elles continuent de fournir aux dirigeants de la MLB au fur et à mesure que la technologie évolue.
La MLB, autrefois une organisation profondément attachée aux traditions et perçue comme très réticente à embrasser les nouvelles technologies et le changement en général, s’est désormais engagée pleinement dans une gouvernance modernisée du passe-temps favori de l’Amérique, axée davantage sur une approche analytique.
UNE ÉVOLUTION CONSTANTE
Ceux qui regardent beaucoup de baseball, essayez de vous souvenir de la dernière fois que vous avez vu un amorti sacrifice, un frappe-et-cour, ou un squeeze ? Exactement, je ne me rappelle pas non plus la dernière fois.
Il y a trente ans, ces éléments du jeu faisaient partie intégrante de chaque match. Ils faisaient partie de l'arsenal stratégique d'un gérant pouvant faire la différence dans les matchs serrés. Aujourd’hui, ils ont presque complètement disparu du jeu.
Pourquoi ? Parce que la leçon la plus importante que Moneyball a enseignée au monde du baseball, c'est qu'un retrait est une ressource très précieuse, qu'il ne faut pas dépenser à la légère. En d'autres termes, des décennies de données ont prouvé qu'il n'est presque jamais rentable de sacrifier un retrait pour gagner 90 pieds supplémentaires sur les sentiers.
Même le vol de but a perdu de son attrait, car il a été déterminé que le risque de produire un retrait l'emporte généralement sur l'avantage d'un but supplémentaire.
Tout cela a conduit à un style de baseball station-à-station, ce qui a fait déplorer aux traditionalistes la perte de l'art et de la stratégie qui a toujours caractérisé ce sport. Désormais, tout le monde semble préférer la philosophie Earl Weaver du « bloop and a blast ». On remplit les buts, puis on compte sur les gros cogneurs pour des coups sûrs de plus d’un but afin de vider les sentiers.
Nous ne le savions même pas il y a seulement dix ans, mais l'ère Moneyball n'était que la première étape de la révolution analytique dans le baseball.
L’ÈRE STATCAST
Comme mentionné, la MLB en tant qu’institution a toujours été résistante au changement par le passé, mais tout cela a changé en 2015 lorsque StatCast a été introduit au grand public.
Avant StatCast, il existait une faction traditionnaliste dans le monde du baseball professionnel qui résistait à l'avalanche de statistiques envahissant leur environnement de travail. Cependant, le succès retentissant de StatCast a pratiquement étouffé tous les appels pour un retour aux « bons vieux temps », où les décisions administratives et des gérants du baseball étaient guidées davantage par l’intuition, l’astuce et le recrutement à l’ancienne (dans les gradins).
En s'engageant pleinement dans la révolution digitale, la MLB a finalement légitimé tout le discours des adeptes des statistiques avancées : les chiffres ne mentent pas, et l'information est une bonne chose lorsqu'elle est utilisée correctement et combinée à une intervention humaine perspicace.
Si vous n'êtes pas familier avec StatCast, je le décrirais comme Moneyball sur les stéroïdes. Là où les recherches inspirées de Moneyball nous ont aidés à comprendre le jeu en analysant les données historiques provenant des sommaires de match, StatCast utilise la technologie moderne pour extraire les données physiques produites au baseball.
StatCast nous dit exactement avec quelle force, à quelle distance et à quelle hauteur une balle est frappée. Il nous montre à quelle vitesse une balle est lancée, ainsi que le type et le degré de rotation appliqués. Il révèle à quelle vitesse un joueur court sur les sentiers et en défensive. Et la dernière trouvaille ? StatCast mesure désormais la vitesse de bâton et même sa trajectoire ! (Voir mon précédent blog, Le traçage du bâton (« Bat Tracking ») : une révélation, pour plus de détails sur les applications du traçage du bâton StatCast.)
Vous pouvez imaginer toutes les nouvelles possibilités statistiques que cela génère, et plus de statistiques signifie simplement plus d’opportunités d'en apprendre sur les subtilités apparemment infinies du baseball.
LES RÉPERCUSSIONS DE STATCAST
L’abondance d’information que les données StatCast ont fournies aux joueurs et entraîneurs de la MLB a déjà transformé le sport de bien des façons.
Les données sur l’angle d’envol (« Launch Angle ») ont révélé qu'une balle frappée sur un angle de 15 degrés ou plus a une probabilité beaucoup plus élevée de produire un coup sûr. Cela a conduit à l’approche « Launch Angle » dans le coaching au bâton chez les professionnels, où l’on enseigne davantage d’élévation que jamais auparavant dans la mécanique de l’élan.
Le suivi de la vitesse des lancers a aidé à prouver à quel point la vélocité est cruciale pour perturber le synchronisme des frappeurs.
Les données sur le taux de rotation (« spin rate ») des lancers ont montré l'importance de générer un taux de rotation élevé non seulement pour les mouvements verticaux et horizontaux des lancers à effet, mais aussi pour réduire l'effet de la gravité sur les balles rapides « four seam » en y appliquant un maximum d’effet rétro.
StatCast révèle même le point de décharge (« release point ») des lancers, ce qui nous aide à comprendre comment la perception d’un frappeur affecte sa réaction à chaque lancer en fonction de la mécanique du lanceur.
Ça n’a pas pris trop de temps pour rassembler suffisamment de données confirmant l’efficacité évidente d’un angle d’envol plus élevé pour créer davantage d’offensive, ainsi que des vélocités et taux de rotation plus élevés pour prévenir les points contre.
Cela a depuis créé un cycle vicieux avec lequel le baseball est encore aux prises. L'obsession quasi totale pour la vélocité des lancers rend beaucoup plus difficile la génération de manches de plus d’un coup sûr, ce qui met davantage d’emphase sur la production de coups sûrs pour plus d’un but, ce qui justifie en retour le focus sur l’angle d’envol pour les frappeurs.
Avec des frappeurs encouragés à élever la balle en quête de puissance, les lanceurs privilégieront en retour les balles rapides « four seam » à haute vélocité dans le haut de la zone pour augmenter le taux d’élans qui fendent l’air. Et personne du côté des frappeurs ne fait les ajustements nécessaires, car cela irait à l’encontre de ce que les analyses statistiques suggèrent.
UNE DÉCENNIE DE CHANGEMENTS ACCÉLÉRÉS
Si vous vous souvenez du film gagnant aux Oscars de Bennett Miller, mettant en vedette Brad Pitt dans le rôle de Billie Beane, le directeur général des A’s, la raison pour laquelle la frénésie Moneyball s'est emparée du baseball au début des années 90 était que cette approche semblait être la seule façon pour les franchises de petits marchés de rivaliser avec les gros joueurs dans un contexte où l’écart des budgets salariaux ne faisait que s’accroître.
Des experts en analytique ont été engagés partout dans la MLB pour développer des philosophies de recrutement et de développement visant à maximiser le rendement (nombre de victoires) par dollar dépensé. Certains de ces statisticiens sont devenus directeurs généraux et directeurs généraux adjoints, et même les franchises les plus riches disposent maintenant de départements d’analyse statistique bien fournis.
StatCast est devenu le nouvel outil de prédilection de cette nouvelle génération de dirigeants du baseball. Les nouvelles données sont combinées avec les statistiques traditionnelles basées sur les résultats pour produire de nouvelles découvertes qui peuvent être appliquées à l’approche stratégique de l’organisation.
Des équipes comme les Rays de Tampa Bay (la version moderne des A’s d’Oakland) ont su utiliser ces informations toujours plus détaillées pour développer des concepts tels que les défensives spéciales (y compris la formation à quatre voltigeurs), la composition éclectique de l’enclos des releveurs, et l’avènement du « opener » (remplaçant le partant dans la rotation).
Bien que les statistiques avancées soient maintenant largement encensées par la MLB, celle-ci reste proactive dans son rôle comme protecteur de l’intégrité et de la valeur divertissante du sport.
Ces nouvelles méthodes créatives des équipes ont poussé la MLB à adopter de nouvelles règles comme : le minimum de trois frappeurs à affronter pour les releveurs (forçant les gérants à prendre plus de décisions stratégiques), l’interdiction des décalages défensifs (pour aider à augmenter les moyennes au bâton et créer davantage de jeux défensifs athlétiques), et des buts agrandis (un incitatif pour relancer le mouvement sur les sentiers).
Cela nous amène au sujet du jour : quelle sera la prochaine tendance ?
À un moment où le jeu se métamorphose sous nos yeux, où sera mis l’emphase pour les esprits créatifs du baseball, et comment la MLB y réagira-t-elle ?
Eh bien, les Tigers de Détroit de 2024 nous ont apporté une réponse claire à cette question brûlante.
LES TIGERS ET LA ROTATION À DEUX
C’était forcément accidentel, mais les Tigers de 2024 pourraient bien entrer dans les livres d’histoire comme l'équipe qui a mis fin à la rotation à cinq lanceurs.
Une blessure à Casey Mize à la mi-saison, l'inefficacité de Kenta Maeda comme partant et l’échange de Jack Flaherty aux Dodgers avant la date limite ont obligé les Tigers à être très créatifs. Le gérant A.J. Hinch a pris la décision de tenter de gérer la deuxième moitié de saison avec une rotation à deux lanceurs (Tarik Skubal et Reese Olson) en utilisant une séquence de releveurs soigneusement planifiée pour maximiser les confrontations favorables.
Bien sûr, quand vous avez un pilier aussi régulier que Skubal, favori pour le Cy Young, cela rend le tout plus facile à exécuter, mais après avoir joué le rôle de vendeur à la date limite, avec 8 matchs de retard dans la course aux séries (au 30 juin), tout cela n'était vu que comme une expérience dictée par la nécessité.
La rotation révolutionnaire est même passée à un seul lanceur lorsque Reese Olson a subi une élongation de l’épaule à la mi-juillet, qui l’a écarté du jeu pendant 6 semaines.
Contre toute attente, l’expérience a fini par conduire les Big Cats jusqu’à une place en séries, avec un dossier de 48-30 à partir du 1er juillet, bon pour un pourcentage de victoires de .615, comparativement à .452 en première moitié de saison.
Le retour de Kerry Carpenter de la liste des blessés a également aidé, mais il ne fait aucun doute qu’une formule gagnante a été dénichée dans ce nouveau modèle de gestion des lanceurs.
Son efficacité s'est confirmée dans l'incroyable parcours en séries de Détroit, lorsque l’alignement des Astros a été dérouté par Skubal et ses coéquipiers dominants de l'enclos. Les Tigers ont ensuite failli créer la surprise contre les champions de la Division Centrale, les Guardians de Cleveland, étirant une ALDS chaudement disputée jusqu'à un cinquième match décisif avant de finalement s'incliner.
Le plan de match annoncé par A.J. Hinch (sauf pour les départs de Skubal) était d'empêcher les meilleurs frappeurs adverses de faire face au même lanceur plus d'une fois dans le même match. Et que ça a marché !
Levez la main si vous saviez qui étaient Will Vest et Beau Brieske au début de la saison 2024. On les connaît tous maintenant, n’est-ce pas ?
Hinch, tout comme Kevin Cash depuis qu’il a été engagé par les Rays de Tampa Bay, a démontré que la valeur d'un enclos peut largement dépasser la somme de ses éléments s'il est géré judicieusement, avec un bon coup de pouce du département d'analytique.
LÀ POUR RESTER
Je ne vois tout simplement pas comment le succès instantané de la mini-rotation des Tigers puisse justifier la continuité de la rotation conventionnelle à 5 partants.
Bien sûr, les équipes riches peuvent se permettre trois ou quatre lanceurs partants de premier plan, mais nous avons déjà vu l'érosion du cinquième partant, alors que de nombreuses équipes adoptent désormais la stratégie du « opener » à la place.
La plupart des cinquièmes options possèdent des capacités et une efficacité très comparables aux bras du cœur de l’enclos. Alors pourquoi s'entêter à laisser ces lanceurs médiocres affronter l’ordre des frappeurs plus d'une ou deux fois, alors que l’on sait que le taux de succès d’un frappeur augmente considérablement à chaque présence supplémentaire face au même lanceur ?
Quant aux franchises à budget faible ou moyen, ne compter que sur deux ou trois partants offre un énorme avantage financier. Les partants coûtent bien plus cher que les releveurs, et de nombreux exemples de releveurs à fort rendement font leur apparition partout dans la MLB ces dernières années, à mesure que l'utilisation des releveurs ne cesse de s’accroître.
Il y a aussi l’épidémie de blessures à l’épaule et au coude qui frappe les lanceurs partants (et les portefeuilles des propriétaires de la MLB) de plein fouet. (Voir mon blog précédent Éruption de lanceurs blessés : point de rupture pour plus de détails sur ce sujet.)
Limiter systématiquement le nombre de lancers des partants dans cette ère axée sur la vélocité et le taux de rotation est clairement perçu comme le meilleur moyen de protéger les énormes investissements que les équipes de la MLB réalisent lorsqu’elles signent des bras d’élite.
À tous les traditionalistes du baseball, je crains bien que la rotation raccourcie des Tigers marquera un autre tournant majeur dans la gestion du jeu dorénavant.
C'est une autre pilule difficile à avaler pour les adeptes de la vieille école depuis la publication de Moneyball, mais après 20 ans de révélations bouleversantes sur les subtilités du jeu et d’ajustements du baseball en conséquence, vous devriez y être habitués maintenant, non ?
La seule lueur d'espoir dans ce cas est qu'il y a eu des rumeurs bien fondées selon lesquelles la MLB envisage imposer un minimum de manches lancées pour les partants.
Restez à l’affût pour la suite.
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